DU ST.-ESPRIT, pendant dix ans et demi. |
Messieurs,
En livrant à l'impression le dernier sermon que j'ai prononcé dans votre Eglise, mon but n'est que de m'é-pargner le travail d'en faire des copies, pour satisfaire plusieurs personnes qui m'avaient manifesté le désir d'en avoir une. La plupart de vous, Messieurs, étaient de ce nombre, et il suffit que vous ayez manifesté ce désir, pour que je me fasse une loi bien douce d'y déférer: oui, Messieurs, une loi bien douce, puisque je vois dans ce désir une nouvelle preuve de votre bienveillance et de voti e affection, qui me seront toujours infiniment chères.
Veuillez donc recevoir ce jaible monument de ma reconnaissance, et puisse-t-il vous faire verser encore une de ces larmes attendrissantes que je vous vis répandre au moment de notre séparation! Je ne l'oublierai jamais, ce moment où vous me donnâtes des preuves si touchantes de votre affection; et toutes les fois qu'il se retracera à ma pensée, j'adresserai au Ciel les vux les plus ardens pour une église, des frères et des amis, auxquels, malgré la dislance qui nous sépare, mon cur sera toujours tendrement attaché.
Henri PÉNEVEYRE,
Docteur en Théologie.
Aj'homme, ici-bas, s'inquiète et s'agite pour une infinité de choses: il veut tout voir, tout entendre, tout éprouver; il voudrait posséder toute la science, tous les trésors, tous les emplois, tous les titres honorables; il voudrait jouir de tous les plaisirs, de toutes les douceurs, de toutes les joies de cette vie. Il n'est jamais content: son avidité insatiable veut tout embrasser, tout entreprendre; il semble qu'il craint qu'en laissant échapper quelque chose, il ne laisse échapper le bonheur: comme si le bonheur pouvoit se trouver sur cette terre; comme si Dieu ne nous avait faits que pour la félicité d'ici-bas. O homme! connais mieux la noblesse de ton être, et la grandeur de ta destination. C'est pour le ciel, que la souveraine [5/6] bonté de l'Etre infini te forma en ame vivante; c'est à une félicité sans fin qu'elle t'a destiné. Cesse donc de te tourmenter le corps et l'ame pour deschoses qui ne sont pas dignes de toi; méprise les biens de cette terre, qui sont incapables de satisfaire ton cur, et tourne tes regards vers le ciel, où la main bienfaisante d'un Dieu tout bon te prépare un bonheur d'éternelle durée. Tu n'as qu'une chose à faire ici-bas, c'est d'employer le temps à te rendre digne de l'éternité; tout ce qui ne tend pas directement ou indirectement à ce but, est indigne de fixer tes regards et d'occuper tes pensées. Toutes les études auxquelles l'esprit humain applique son activité, peuvent être bonnes, peuvent être utiles, peuvent être agréables; mais quelle science est comparable à celle qui nous enseigne l'art d'être mis un jour en possession de l'éternelle félicité! Et dans la pratique, il en est comme dans la théorie: le tout de l'homme est de travailler à mériter l'éternité de bonheur qui lui est destinée, et dont il ne tient qu'à lui d'obtenir un jour l'inestimable possession. Telle est la vérité que Jésus-Christ nous enseigne dans les paroles de notre texte: Une seule chose est nécessaire. Venez la méditer avec nous, Chrétiens, cette vérité importante, et puisse-t-elle s'imprimer tellement dans vos [6/7] curs, que rien désormais ne soit capable de vous la faire oublier.
Une seule chose est nécessaire. On ne saurait douter que, par cette seule chose nécessaire, Jésus-Christ n'ait voulu désigner le bonheur du ciel, et les moyens d'y parvenir: il suffit, pour s'en convaincre, de voir à quelle occasion ces paroles sont venues. Jésus-Christ passant un jour avec ses Disciples dans un village près de Jérusalem, nommé Béthanie, entra dans une maison où demeuraient deux femmes, l'une appelée Marthe, et l'autre Marie. Or, la première, qui apparemment avait le soin des détails du ménage, flattée de l'honneur que lui faisait la visite d'un tel hôte, croyait ne pouvoir en faire assez pour le recevoir d'une manière assortie à la haute estime qu'elle avait pour lui, et au plaisir que lui causait une telle visite; et, comme elle se plaignait de ce que Marie sa sur, assise aux pieds de Jésus pour l'entendre parler du royaume des, cieux, ne l'aidait pas dans les préparatifs qu'elle faisait, celui-ci lui dit: Marthe, Marthe! tu t'agites pour une infinité de choses, et cependant, il n'y a qu'une seule chose qui soit nécessaire; c'est celle à laquelle Marie a donné la préférence: aussi ne puis-je m'empêcher d'applaudir à son choix. Il n'y a qu'une seule chose [7/8] nécessaire, c'est de gagner le ciel, c est d'arriver à la suprême félicité: voilà, mes Frères, ce que nous allons tâcher, en peu de mots, de vous faire comprendre, moyennant l'assistance du Seigneur que nous implorons, et votre attention que nous osons espérer.
Commençons d'abord par définir le mot nécessaire, et fixons l'idée que nous devons y attacher. On appelle généralement nécessaire une chose sans laquelle il est impossible de subsister ou d'atteindre le but pour lequel on a reçu l'existence: ainsi les alimens sont nécessaires à la vie; ainsi l'air est nécessaire à la respiration. On appelle aussi nécessaire une chose dont on ne peut se passer, sans qu'il en coûte de la peine ou de la douleur, ou sans qu'il en résulte quelque inconvénient, quelque désavantage ou quelque perte: ainsi les vêtemens sont nécessaires à l'homme, pour le préserver des injures de l'air; le repos lui est nécessaire après la fatigue, pour calmer la douleur que cause cette dernière; le sommeil lui est nécessaire pour réparer ses forces et prévenir la peine qui résulterait d'une trop longue veille.
Mais, en définissant ainsi le mot nécessaire, ne tombons-nous pas en contradiction avec notre texte, puisque dans notre définition nous [8/9] désignons plusieurs choses comme nécessaires, tandis que notre texte n'en reconnaît qu'une seule à laquelle on puisse donner cette qualification? Non, mes Frères, car parmi les choses que nous envisageons comme nécessaires, il y en a qui le sont plus, et il y en a qui le sont moins que d'autres: ainsi la nourriture est plus nécessaire que le vêtement, et la santé est plus nécessaire que la science; parce qu'on peut mieux, ou avec moins d'inconvénient, se passer de la science que de la santé, et du vêtement que de la nourriture. Si donc, parmi les choses les plus nécessaires, il en est une qui soit plus nécessaire encore que toutes les autres, n'a-t-on pas lieu de l'envisager comme la seule chose nécessaire, puisqu'il serait plus aisé, ou qu'il y aurait moins à souffrir d'être privé de toutes les autres choses, que d'être privé de celle-là? Or, tel est le cas par rapport au salut, comparé aux autres choses qu'on regarde ici-bas comme nécessaires: on peut mieux se passer de celles-ci qu'on ne peut se passer de l'autre. Le salut du corps ou la conservation de la vie terrestre, est moins nécessaire que le salut de l'ame; et le plus haut degré de la félicité d'ici-bas est moins nécessaire que le degré le plus inférieur de la félicité du ciel. Ainsi, quoiqu'il y ait [9/10] dans la vie un grand nombre de choses dont nous ne saurions nous passer sans beaucoup d'inconvéniens, qu'il y en ait même sans lesquelles nous ne saurions exister, cela n'empêche pas que le salut de l'ame ne soit une chose encore plus indispensable, parce que c'est, de toutes les choses nécessaires, celle qui influe de la manière la plus décisive, la plus directe, et la plus immédiate sur noire bonheur éternel; et c'est en conséquence de cela que Jésus-Christ l'appelle la seule chose nécessaire, parce qu'elle est d'une telle nécessité, que toutes les autres choses ne méritent pas d être appelées nécessaires, quand on les compare à celle-là. En effet, mes Frères, s'il est nécessaire que nous veillions à la conservation de notre corps, il est bien plus nécessaire que nous travaillions au salut de notre ae i car, de quoi nous servirait-il de gagner tout le mo.nde, si nous venions à perdre notre ame? Si nous désirons de vivre, nous désirons bien davantage encore de vivre heureux; par conséquent, ce qui contribue au bonheur est bien plus nécessaire que ce qui contribue uniquement à la vie, et ce qui conduit au bonheur éternel est bien plus nécessaire que ce qui ne produit qu'une félicilé passagère, une jouissance d'un instant, un [10/11] bonheur, en un mot, tel que ce que le monde appelle bonheur dans cette vie, qui ne saurait être réel, puisqu'il n'a rien de solide, rien de durable, rien de permanent. Voilà donc, mes bien-aimés, la seule chose nécessaire: c'est celle qui conduit au bonheur éternel, ou qui assure le salut de notre ame, c'est-à-dire, la vertu, la crainte de Dieu, en un mot, la Religion. Elle est plus nécessaire que le soin de notre fortune, que le soin de notre réputation, que le soin même de notre vie. C'est pour faire notre salut, et uniquement pour travailler à faire notre salut, que Dieu nous a placés sur la terre; le salut de notre ame est donc, je ne dis pas seulement notre grande affaire, mais notre unique affaire, et, à proprement parler, la seule que nous ayons ici-bas.
Mais, dira-t-on peut-être, si c'est uniquement pour travailler à notre salut que Dieu nous a placés sur cette terre, si c'est uniquement à faire notre salut que nous devons employer toutes les facultés dont il nous a doués, pourquoi nous a-t-il donné un corps sujet à tant de besoins, à des besoins sans cesse renaissans, et que nous ne pouvons satisfaire sans y consumer la plus grande partie de notre existence? ou pourquoi n'a-t-il pas pourvu à ces besoins, de manière à nous [11/12] dispenser d'y pourvoir nous-mêmes? Comment veut-on que nous ne soyons occupés que de notre salut, quand l'aiguillon du besoin se fait sentir, et se fait sentir si vivement? Tantôt c'est une famille à élever, dont l'éducation demande du temps, des soins, des dépenses; tantôt c'est un emploi qui nous fait subsister, et dont les nombreuses fonctions ne nous laissent aucun relâche; tantôt c'est l'indigence, avec son bras de fer, qui nous force à un travail assidu et pénible; tantôt c'est la pesante main de l'adversité qui nous accable, et nous enfonce dans une mer de tribulations, ou nous plonge malgré nous dans un océan d'affaires et de difficultés. Comment, je le répète, comment veut-on qu'en pareil cas nous ne soyons occupés que de notre salut?
Ce qui nous abuse, mes Frères, c'est que nous regardons l'ouvrage du salut comme une chose incompatible' avec les occupations et les devoirs attachés à l'état où la divine Providence nous a placés, comme s'il fallait cesser d'être homme pour être Chrétien, ou comme s'il fallait sortir du monde et se séparer de la société pour accomplir les devoirs du Christianisme. Eh! comment faisaient donc les premiers Fidèles, qui nous ont laissé de si beaux exemples de piété et de charité [12/13] chrétienne? comment faisaient les hommes vertueux de l'ancien Testament, dont ces saints livres nous ont conservé le souvenir? Abraham, Isaac, Jacob n'avaient-ils pas des troupeaux à soigner, Moïse un peuple nombreux à conduire, David un royaume à gouverner? et cela les empê-cha-t-il de s'adonner à la piété, et de garder les commandemens du Seigneur? Daniel, à la cour de Babylone, au milieu du luxe oriental et de tous les vices qu'il engendre, ne sut-il pas conserver intacte la pureté et la simplicité de ses murs, et s'acquitter des devoirs religieux que lui prescrivait la loi de ses pères, sans laisser pour cela de s'acquitter de ceux de son emploi? Le pieux Corneille quilta-t-il le service militaire pour vaquer au service de Dieu? et sa piété ne trouva-t-elle pas les moyens d'accorder deux services, qui, pour l'ordinaire, paraissent incompatibles? Et cet officier de la reine d'Ethiopie, que Philippe rencontra sur le chemin de Gaza, et qu'il enrôla dans la milice chrétienne par la cérémonie du Baptême, ne cherchait-il pas, dans les prophéties d'Esaïe, le salut et la vie éternelle qu'il espérait, sans que cela l'empêchât de vaquer au service de sa souveraine, et de veiller à ses intérêts, dans le détail des tributs et des subsides, et dans l'administration [13/14] des deniers publics confiés à sa fidélité? Ainsi, mes bien-aimés, et vous en particulier, jeunes gens qui venez aujourd'hui vous consacrer solennellement au service de Dieu, quand nous vous disons que le salut doit être votre unique affaire, nous ne prétendons pas que vous sortiez du monde pour vous retirer dans la solitude d'un cloître, ni que vous alliez vous confiner dans un désert, pour y mener une vie ascétique et contemplative. [A la suite de ce sermon, M. l'Evêque de New-Yorck devait, dans le même service, confirmer les Catéchumènes.] Non, mes Frères, en vous imposant ici-bas l'obligation du travail, Dieu a voulu que vous y fussiez occupés de tout ce dont vous êtes capables pour contribuer au profit de la société, de vos proches et de vous-mêmes, aussi bien qu'à l'avancement de sa gloire; ainsi, vous faites la seule chose nécessaire, en faisant toutes celles qu'exigent votre état et votre vocation, pourvu qu'en même temps vous les rapportiez toutes au salut, comme au centre commun où il faut qu'elles aboutissent toutes; en sorte que toutes vos occupations soient sanctifiées par la piété. L'uvre du salut est l'unique occupation du Chrétien, parce que c'est le but qu'il doit se proposer [14/15] constamment dans tout ce qu'il fait; il n'est aucun emploi, aucune profession, aucun métier, aucune occupation qu'il ne puisse faire servir à son salut, s'il en fait des moyens de sanctification, des moyens de pratiquer toutes les vertus chrétiennes: la pénitence, quand ces occupations sont pénibles, désagréables, rebutantes; la clémence, la miséricorde, la justice, quand il se trouve revêtu de quelque autorité par-dessus ses contemporains; le pardon des injures, quand il se voit victime de l'oppression, de la violence qu de la calomnie; la soumission aux dispen-sations divines, quand ses succès ne répondent pas à son attente ou à ses désirs; la confiance en Dieu seul, quand il rencontre des périls, des obstacles ou des difficultés; en un mot, suivant le précepte de saint Paul, soit qu'il mange, soit qu'il boive ou qu'il fasse quelque autre chose, il ne fait rien que pour la gloire de Dieu, dans l'intention de lui plaire, et par conséquent, de parvenir au salut. Et n'est-ce pas là faire la seule chose nécessaire? A voir l'intérêt qu'il prend au bien public, et les mouve-mens qu'il se donne pour y contribuer, à le voir respecter soigneusement les bienséances de la société et les convenances humaines, à le voir attentif à remplir les devoirs de sa vocation, et jusqu'aux moindres obligations que [15/16] lui imposent ou le rang qu'il occupe parmi ses semblables, ou les différentes relations qu'il soutient avec eux, vous le croiriez uniquement occupé des choses d'ici-bas: mais ce n'est pas pour la terfe qu'il travaille, c'est pour le ciel; ce n'est pas aux hommes qu'il cherche à plaire, c'est à Dieu seul: voilà l'esprit qui l'anime, voilà le but qu'il se propose constamment, et qu'il ne perd jamais de vue. Il fait, ou il paraît faire tout ce que d'autres font; mais ce n'est pas de la même manière qu'il le fait, ni dans le même but, parce qu'il n'y a pour lui qu'une seule chose nécessaire, c'est d'arriver au salut éternel; et comme il sait qu'on n'y arrive que par une seule voie, celle de la piété et de la vertu, tout ce qu'il fait, il ne le fait que par un principe de piété et de vertu.
Voilà, mes Frères, la différence qu'il y a entre le disciple de Jésus-Christ et l'homme du monde: c'est que le premier recherche avant tout le royaume de Dieu et sa justice, qui sont pour lui la seule chose nécessaire, et, mettant le ciel avant là terre, il rapporte à Dieu et à la vertu tout ce qu'il semble faire pour le monde; au lieu que le dernier, mettant la terre avant le ciel, rapporte souvent au monde seul, ce qu'il paraît faire pour Dieu. Or, je vous le demande maintenant, mes bien-aimés, [16/17] et vous surtout, jeunes gens, qui allez faire aujourd'hui votre entrée solennelle dans l'Eglise de Jésus-Christ, je vous le demande, lequel des deux vous paraît avoir choisi la bonne part? lequel des deux prendrez-vous pour votre modèle? Car il faut choisir, mes Frères, il faut choisir entre le monde et la piété; entre les vanités de cette vie, et les magnifiques et éternelles récompenses du siècle à venir. Ah! pourriez-vous balancer dans ce choix? Pourriez-vous oublier que vous avez une ame, et que cette ame, il s'agit de la perdre ou de la sauver; de lui assurer une éternité de bonheur, ou de la précipiter dans un gouffre de misère? Le salut de votre ame, Chrétiens, le salut de votre ame ........... Ah! dites! connaissez-vous quoi que ce soit dans le monde qu'on puisse lui comparer? Entre toutes les choses que les mondains appellent nécessaires, en connaissez-vous une seule dont la nécessité soit aussi indispensable que celle de sauver voire ame de la colère à venir? Votre ame! cette partie de vous-mêmes qui ne saurait mourir, et qui doit survivre à votre corps pour recevoir la peine ou la récompense du mal ou du bien que vous aurez fait!
Oh! nous vous en conjurons, mes Bien-aimés, songez avant tout au salut de votre ame; [17/18] c'est votre affaire personnelle, toutes les autres, à proprement parler, vous sont étrangères. La gloire, les plaisirs, la fortune, toutes les choses d'ici-bas ne méritent d'application que celle qui est compatible avec l'acquisition du salut; car, on peut se passer de tout cela, sans être absolument misérable: mais on ne saurait être privé du salut sans être souverainement malheureux. Qu'un homme possède tout ce que le monde a de plus désirable; que sa vie entière soit une succession non interrompue d'événemens fortunés et de jouissances flatteuses: sans la Religion, sans la piété et la vertu, sa félicité n'est fondée que sur le sable; il a tout, hors la seule chose nécessaire pour être heureux. Mais qu'un homme soit dénué de tout ici-bas; qu'il se voie condamné à l'obscurité et à l'oubli par un concours de circonstances malheureuses, qu'importe? pourvu qu'il soit sincèrement pieux et vertueux. Le bonheur éternel est un héritage qui ne saurait lui manquer, et que tout l'univers ligué contre lui ne saurait lui faire perdre.
Travaillez donc, mes bien-aimés, à obtenir cet héritage: ne faites cas que de ce qui peut vous en assurer la possession: car c'est-là la seule chose nécessaire. Pour cet effet, que l'étude de la Religion soit votre occupation [18/19] favorite: vous ne sauriez jamais assez la connaître, comme vous ne sauriez jamais assez l'aimer et la respecter. Veillez soigneusement sur votre cur, pour en bannir l'amour du monde, incompatible avec l'amour de Dieu, et qui forme un obstacle insurmontable au salut. Rentrez fréquemment en vous-mêmes, pour réparer incessamment les négligences et vous relever des chutes dont la fragilité humaine ne peut pas toujours se garantir. Enfin, remplissez scrupuleusement les devoirs de votre vocation, et faites-le dans la vue de plaire à Dieu, et de contribuer à l'avancement de sa gloire.
Telles sont, mes bien-aimés, les exhortations par lesquelles nous avons cru devoir terminer nos travaux au milieu de vous; recevez-les comme celles d'un ami qui s'intéresse vivement à votre bonheur, qui ne vous quitte qu'à regret, et qui s'estimerait heureux s'il pouvait, avant de se séparer de vous, vous inculquer tellement cette maxime salutaire qu'à l'avenir le soin de votre salut devînt pour vous la chose la plus essentielle, ou, pour mieux dire, la seule chose nécessaire. C'est l'objet vers lequel nous avons tâché constamment de diriger votre attention, dans tout le cours de notre ministère, et c'est l'objet auquel nous vous [19/20] conjurons encore aujourd'hui,'pour la dernière fois, de donner tous vos soins et votre application.
Pour la dernière fois!.... Ah! mes Frères, si les dernières paroles d'un mourant font une vive impression sur ceux qui les entendent, et si elles se gravent profondément dans leur cur, ne semble-t-il pas naturel que celles d'un ami qui vous parle pour la dernière fois produisent un effet à peu près semblable? Oh! si je pouvais emporter cette consolante espérance, comme elle adoucirait pour moi les regrets d'une affligeante séparation! Car, je le répète, c'est avec regret que je vous quitte; et il n'a pas tenu à moi que le nud qui nous a unis pendant dix ans, ne subsistât du moins pour quelque temps encore; mais le souverain arbitre de nos destinées ne l'a pas permis. Au moment où ce nud se forma, il avait déjà fixé, par un décret irrévocable, le jour et l'heure où il devait se dissoudre, et préparé l'instrument qui devait l'empêcher de se renouer; et nous ne devons point douter que cet Etre souverainement sage et bon, ne l'ait fait pour le plus grand bien de tous. Je vous quitte donc, le cur serré de tristesse.... Eh! comment pourrais-je vous quitter autrement, après tous les témoignages d'affection que j'ai reçus de la [20/21] plupart d'entre vous, et particulièrement de MM. les Administrateurs de cette église, avec lesquels j'ai eu des relations plus directes, et auxquels j'en fais ici mes sincères remercîmens. O! croyez que mon ame reconnaissante n'en perdra jamais le souvenir, et que ce sera toujours une de mes plus douces réminiscences, dans l'humble et paisible retraite où je vais, s'il plaît au Seigneur, couler le reste de mes jours, et où je ne cesserai de vous bénir, de faire monter au ciel, en votre faveur, mes prières et mes oraisons, et de vous recommander à Dieu et à la parole de sa grâce.
A ce tribut de reconnaissance, permettez-moi, mes bien-aimés, d'en ajouter un autre de la part de mes compatriotes à qui vous avez bien voulu permettre de venir recueillir les miettes qui tombaient de votre table, leur ouvrant gratuitement les portes de cette enceinte sacrée, et l'accès au pied des autels du Seigneur. Plusieurs d'entr'eux se sont empressés d'en profiter, et c'est pour ceux-ci que je vous remercie, persuadé que leur cur, à cet égard, est à l'unisson avec le mien.--Et vous, mes honnêtes compatriotes, que l'espoir d'une existence plus douce a engagés à venir dans cette terre hospitalière exercer votre utile industrie et votre constante activité, je vais vous [21/22] quitter; je vais revoir notre mère commune..... Que lui dirai-je? quelle nouvelle lui porterai-je de ses enfans? Lui dirai-je qu'ils n'ont point dégénéré des antiques vertus, de la simplicité, de la frugalité, de l'activité et surtout de la piété de leurs pères! Lui dirai-jeque par leur bonne conduite, leur bonne foi, leur fidélité et la pureté de leurs murs, ils se concilient la bienveillance, la considération, l'estime et la confiance publiques? Lui dirai-je qu'ils s'envisagent les uns les autres comme des frères; que les jalousies, les médisances, les inimitiés, les discordes sont inconnues parmi eux; qu'ils se soutiennent tous mutuellement, et que leur union, qui est en édification à tout le monde, fait leur force et leur prospérité! O mes amis! qu'il me serait doux de lui porter, et qu'il lui serait doux d'apprendre de si agréables nouvelles, s'il n'y avait pas malheureusement des exceptions à cet égard, et des ombres funestes à ce riant tableau! Tâchez, mes amis, ô tâchez de les faire disparaître; et, pour cet effet, attachez-vous à la Religion, comme à la seule chose nécessaire: c'est elle qui vous unira par le plus parfait de tous les liens, celui de la charité; et, quand vous serez ainsi unis en Dieu, vous serez à la source, et de la prospérité temporelle, et du bonheur éternel.
[23] O vous tous, mes chers auditeurs, songez avec quelle effrayante rapidité coule le fleuve de la vie; songez que l'heure approche où votre argile va se briser, et où votre ame, survivant à la ruine du monde, aura ou à jouir d'une éternité de bonheur, ou à supporter une éternité de misère. Fixez vos regards sur l'éternité qui s'avance, et vous sentirez alors que le salut de votre ame est la seule chose nécessaire, et vous vous attacherez à la Religion, qui est l'unique moyen de gagner le ciel, et d'assurer le sort futur de cette ame immortelle, de cette ame qui ne saurait périr.
Dieu veuille que ce soit là le fruit de ce discours et de nos derniers efforts, et qu'à cet Etre infiniment adorable, Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit, dans l'unité de la divine essence, soient honneur, louange et gloire, dès maintenant et à jamais.
Project Canterbury